Mélangesde semences de blé Accompagnerla demande
Les agriculteurs s'intéressent de plus en plus aux mélanges de variétés.La meunerie leur emboîte le pas. Restés longtemps à l'écart de cette technique, semenciers et organismes stockeurs s'organisent pour reprendrela main. En tout premier lieu, ils demandent une évolution de la réglementation.
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L'intérêt des agriculteurs et des scientifiques pour les mélanges de variétés en céréales à paille ne date pas d'hier. En France, des associations de variétés de céréales ont toujours été cultivées, même si les surfaces qui leurs étaient consacrées, restaient très marginales. Claude de Vallavieille-Pope, chercheuse à l'Inra, fait partie des scientifiques qui se sont les premiers intéressés aux mélanges de variétés, pour réduire la pression des maladies. Elle a mis en place ses premiers essais sur le sujet au début des années 1990, et fait référence dans ses publications, à des travaux de sélection d'avoines conduites en mélange, à partir des années 1950, aux Etats-Unis. Quelques années plus tard, les Américains ont utilisé le mélange de variétés dans le nord-ouest du pays, pour lutter contre la rouille jaune du blé. Il en a été de même au Danemark et en Pologne pour freiner la propagation de l'oïdium de l'orge. En France, la question du mélange des variétés ressurgit régulièrement. Elle prend un peu plus de corps à partir du début des années 2000. Des agriculteurs, un peu dans toutes les régions, se mettent à tester de façon empirique, la technique. Les surfaces de blé ensemencées avec une association de plusieurs variétés s'accroissent légèrement, de 3 600 ha en 1995, à 16 500 en 2005, puis se mettent à grimper régulièrement à 86 000 ha en 2013.
Montée en puissance en 2014
C'est véritablement entre 2014 et 2017 que les mélanges montent en puissance et sont passés à 228 000 ha en 2017, soit près de 5 % des surfaces de blé tendre. Leurs surfaces ont été multipliées par treize au cours des douze dernières années. Pourquoi tant d'attrait pour les mélanges de variétés ?Le souhait d'utiliser moins de fongicides ? Le goût pour l'innovation ? La recherche de systèmes plus robustes ? Une chose est sûre « l'intérêt des agriculteurs pour les mélanges est vraiment venu d'eux sur leur exploitation, souligne Jérôme Enjalbert, chercheur à l'Inra du Moulon, à Gif-sur-Yvette.En dehors de l'Inra, peu de prescripteurs ou de distributeurs s'étaient passionnés,jusqu'il y a quelques années, pour la question. Les choses ont commencé à changer en 2014, avec le lancement du programme Wheatamix par l'Inra, plusieurslaboratoires de recherche et quelques chambres d'agriculture.
En lançant pour les semis 2017, un mélange de cinq variétés de blé destiné à une utilisation par ses moulins, Soufflet a véritablement jeté un pavé dans la mare. Jusqu'à présent, la meunerie était très attachée à l'achat de lots constitués de variétés pures. Les industriels concoctent ensuite leurs propres mélanges ou « maquettes » chaque année, en fonction de la disponibilité du marché. Face à cette double demande des agriculteurs et de certains meuniers, des semenciers, des distributeurs, Arvalis-Institut du végétal, et des chambres d'agriculture commencent à s'y intéresser pour reprendre la main. Certains, comme la coopérative Agora dans l'Oise, expérimente la technique depuis quatre ans.
La législation n'est pas adaptée
La première difficulté est que la vente de semences en mélange n'est pas autorisée en France. La deuxième est qu'en dehors du programme Wheatamix, il existe peu de références techniques ou agronomiques de terrain sur le sujet, tout est à faire. En ce qui concerne l'évolution de la législation, le Gnis a engagé la démarche (lire ci-contre). La section céréales à paille de l'organisme interprofessionnel a envoyé un courrier au ministère français de l'Agriculture pour que les verrous réglementaires puissent être levés le plus rapidement possible. « A noter que la directive européenne concernée s'adresse à l'ensemble des céréales, maïs et sorgho compris, précise François Burgaud, directeur des relations extérieures au Gnis. La demande est portée par la section céréales à paille du Gnis, avec le soutien du conseil d'administration, car seuls les semenciers impliqués dans les céréales à paille sont demandeurs, pas les semenciers maïs.D'un point de vue pratique, l'idée est de certifier les différentesvariétés pures utilisées dans le mélange. Le vendeur de l'association variétale prend la responsabilité du respect de la part de chaque variété dans le mélange et de son homogénéité. »
Même si Thierry Momont, DG de KWS Momont et président de la section céréales à paille au Gnis, est favorable à l'évolution de la législation, il reconnaît quelques écueils aux mélanges de semences. « Si les mélanges peuvent apporter des solutions sur le plan agronomique ou pour faciliter le travail des meuniers, tant mieux, indique-t-il. Mais attention aux dérives. Tout l'objectif de la sélection au cours du XXe siècle a été d'isoler des variétés pures, et ce travail a permis les énormes gains de rendement que l'on a connus. Avec les mélanges, il ne faudrait pas que l'on détricote ce que l'on a mis beaucoup de temps à construire, et revenir à des variétés population qu'il deviendrait très compliqué d'améliorer et de tracer. »
« Restons positifs et regardons les avantages des associations variétales, estime pour sa part Laurence Carré, de la coopérative Agrial. Pour elle, autoriser les mélanges peut constituer une opportunité pour redynamiser le marché des semences certifiées.
L'expérience des fourragères
En fourragères, les mélanges d'espèces et de variétés sont autorisés depuis 2004, mais lors des discussions sur l'évolution de la réglementation européenne, les semenciers français n'y étaient pas du tout favorables. « Ils craignaient que le marché se dégrade, que l'on retrouve n'importe quoi dans les associations, que les mélanges entraînent une perte de qualité génétique et de traçabilité, reconnaît Jean Saulue, DG de Barenbrug France, président de la section fourragères et gazon de l'UFS, Union française des semenciers. Finalement, il n'en a rien été, ni la qualité ni la traçabilité n'ont été dégradées. La demande continue à progresser. En plus du côté pratique pour l'éleveur qui n'a plus à réaliser lui-même le mélange des semences, les associations ont l'avantage d'être bien étudiées par les semenciers, soit en fonction d'un type de sol, d'une destination, fauche ou pâturage, d'une durée de vie, d'une période d'utilisation... »
Qualité génétique assurée
Philippe Silhol, chef du service statistique au Gnis a calculé qu'en fourragères, les mélanges ont représenté 34 % des ventes de semences en 2016-2017, et continuent à progresser. « Les mélanges ont eu du mal à démarrer, mais la demande a fortement augmenté depuis trois ou quatre ans car ils offrent toutes les garanties, constate Pascal Gaucher, responsable marché fourragères chez Axéréal. Le label France Prairie mis en place depuis quelques années par l'Association française pour la production fourragère, garantit que les variétés retenues ne sont pas une en première division et les autres en deuxième division ou loin derrière, mais toutes en première division. Les éleveurs peuvent être complètement rassurés sur la qualité génétique du mélange et la pertinence du choix des espèces et des variétés. Sans compter qu'il est beaucoup plus simple pour eux d'acheter une association toute prête, que cinq ou six variétés différentes à mélanger eux-mêmes. » Si dans les autres pays européens, les mélanges de fourragères ont progressé un peu plus vite qu'en France, en céréales à paille, leur développement reste encore timide avec des surfaces très limitées, notamment au Danemark, en Pologne ou en Allemagne.
DOSSIER RÉALISÉ PAR BLANDINE CAILLIEZ
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